À la découverte de ses sentiments
#10 of Ryan
Après un voyage de retour fastidieux mais sans problèmes, Ryan et Kayla arrivent près de l'appartement. Ils sont passés par les bois, bien sûr, puisqu'ils étaient tout près et qu'on risque moins d'y faire de rencontres. Kayla ne peut pas encore marcher facilement à cause de sa patte, elle n'a donc pas osé prendre son envol pour se repérer, au risque de se faire encore plus mal en atterrissant. Et comme aucun des deux ne connaissaient le chemin, il leur a fallu beaucoup plus de temps que prévu pour arriver. Le bon côté des choses, c'est qu'il y a moins de monde dans les rues à cette heure là, et qu'ils n'ont rencontré personne depuis qu'ils sont sorti du couvert des arbres.
En rentrant dans la rue, Ryan s'arrête, le temps de dire :
- Enfin ! Voilà, c'est ici que j'habite.
Il pointe l'appartement de la patte, heureux de pouvoir à son tour aider la vampire.
- Mais par contre, il va falloir rentrer sans faire trop de bruit. Je suis au dernier étage, et nous sommes quatre.
Le regard un peu perdu de Kayla, qui ne comprend pas très bien ce qu'il lui dit, lui fait préciser :
- Non mais ça n'a rien de dramatique ! Les plafonds sont relativement bien isolés, c'est juste que je préfère éviter qu'on se pose des questions en voyant que je ne rentre pas seul.
En voyant qu'il a l'air d'un adolescent qui ne veut pas se faire voir avec un copine, il rajoute aussitôt :
- Je sais que certains pourraient avoir peur de toi, et je suppose que c'est mieux si tu ne te montres pas le temps que tu puisses à nouveau te déplacer correctement.
Kayla est plutôt gênée. Elle n'a pas l'habitude d'être en état de faiblesse devant quelqu'un, et encore moins qu'on lui offre de l'aide. Pourtant, elle est prête à lui faire confiance.
- C'est compris, je ne ferai pas de bruit.
Elle aurait aussi aimé lui demander de ne pas aller trop vite en montant les marches mais, même si elle sait combien c'est stupide, sa fierté l'en empêche.
Heureusement, il n'y avait pas à s'en inquiéter : même s'il est très tête en l'air d'habitude, Ryan a très bien compris qu'il fallait mieux aller doucement pour elle, et lui offre même sa patte pour l'aider à monter.
Elle la refuse au début, mais est bien contente de pouvoir l'accepter en arrivant au premier palier, à un tiers du chemin.
Quand ils arrivent à l'intérieur, Ryan lui fait faire le tour du propriétaire. C'est une façon pour lui de combattre son anxiété. Même s'il ne sait pas pourquoi il est anxieux...
Kayla, de son côté, est émerveillée. Ça fait des années qu'elle est constamment en fuite et qu'elle n'a pas vu d'endroit aussi confortable -- et encore plus longtemps qu'elle n'y a pas séjourné.
Après avoir rapidement montré la plupart des pièces une à une à son invitée, Ryan se met à réfléchir à la situation. Depuis qu'il a une meilleure idée de ce qu'elle est réellement, Kayla lui semble beaucoup plus... "normale". Elle boit peut-être du sang, mais quand il regarde autour de lui le nombre de personnes qui mangent de la viande, ce n'est pas pire. Et il partage au moins une chose avec elle : elle a aussi perdu ses parents quand elle était enfant. Il n'en sait pas beaucoup plus à ce sujet puisqu'elle l'a juste mentionné en passant pendant leur retour -- et qu'il n'a pas osé demander d'explications --, mais il ne désespère pas d'en apprendre plus si elle reste assez longtemps.
Enfin, est-ce qu'elle va seulement rester ?
Il n'en sait rien, mais de toute façon, il a d'autres problèmes sous la patte. Comme, par exemple, le fait qu'il n'y ait plus rien à manger au frigo. Et qu'il a plutôt faim. En se retournant vers Kayla, il s'excuse en disant :
- Je suis désolé, mais... Il va vraiment falloir que j'aille faire quelques commissions. Ça ne t'embête pas trop si je te laisse un peu le temps d'y aller ?
Kayla a besoin de quelques secondes pour se remettre les idées en place, toujours hypnotisée par ce qui est pour elle le luxe de l'appartement.
- Non, bien sûr. C'est chez toi après tout.
Ne pas l'effrayer. Parler gentiment. Ces deux phrases tournent comme une mantra dans sa tête, et elle est contente de voir qu'elle parvient enfin à s'y tenir. Il le mérite bien après ce qu'il a fait. Et puis... il est sympathique.
- D'accord. Et tu veux que je te rapporte quelque chose ? Je ne sais pas ce qu'il te faut. Enfin si, du sang, mais... ce n'est pas vraiment le genre de choses qu'on trouve en magasin.
Parler de ça le met un peu mal à l'aise, mais il faut bien passer par là. Kayla n'a pas la moindre idée de ce qu'on peut trouver ou non en magasin, mais elle suppose qu'il doit avoir raison.
- Non, ne t'inquiète pas pour moi. J'ai déjà mangé hier soir, je peux encore attendre un jour ou deux.
- D'accord.
Étonné mais rassuré, notre kangourou peut maintenant s'en aller. Avant de partir, il se retourne une dernière fois pour dire :
- Je n'en ai pas pour longtemps, et j'ai la clef. Si par hasard quelqu'un venait frapper à la porte, ignore-le simplement. À tout de suite !
Et cette fois, il s'en va.
Seule dans l'appartement, Kayla le parcourt un peu pour bien avoir l'emplacement des pièces en tête. pour elle, c'est immense. Elle n'a plus l'habitude de séjourner dans une si grande habitation : de la minuscule pièce où elle vivait, elle passe à un appartement quatre pièces. Le changement n'est pas pour lui déplaire, mais elle ne sait pas encore combien de temps elle pourra rester ici. Le kangourou lui plaît bien, mais malheureusement, elle ne pourra sûrement pas lui imposer sa présence très longtemps. Il a l'air bien gentil et il essaye de l'aider, c'est juste qu'elle ne comprend pas pourquoi.
Et bien tant pis ! Elle fera ce qu'elle a toujours fait, elle prendra ce que la vie lui donnera !
Et en attendant, rester avec lui est loin de la déranger, que du contraire. Il n'y a plus qu'à espérer qu'il ne change pas d'avis le jour où il la verra se nourrir...
La dernière fois qu'il y a assisté n'a pas l'air de l'avoir bouleversé, mais ce jour là, elle s'était attaqué à son bourreau. Si c'est quelqu'un qui ne lui a rien fait, ça n'aura pas le même effet. Ils ont tous horreur de la façon dont elle se nourrit, il n'y a pas de raison que ce soit différent avec lui. Le temps qu'il reprenne ses esprits et comprenne qu'il ne lui doit rien -- c'est même plutôt le contraire -- et elle pourra trouver un nouvel endroit où passer la nuit...
Au dehors, Ryan se dépêche. Il essaye d'aller au plus vite pour ne pas laisser Kayla seule trop longtemps. Il se maudit de ne pas avoir fait ses provisions avant de partir ce matin. Il aurait vraiment voulu pouvoir rester et ne pas l'abandonner comme ça, même si ce n'est que pour quelques minutes. Il l'a enfin retrouvée, et il doit déjà la laisser attendre chez lui comme ça. Ça ne va pas ! Mais il n'a pas tellement le choix. Il n'a rien mangé depuis ce matin, et même s'il s'était retenu, il aurait quand même dû y aller le lendemain matin, ce qui n'était pas mieux. Il préfère être là pour aider son invitée à trouver ses nouvelles habitudes dès le lever.
Heureusement, il a de la chance dans son malheur : l'épicerie à laquelle il vient d'aller était à deux pas de son appartement, et il est déjà de retour.
Il prend la clef, puis hésite à ouvrir. Qu'est-ce qu'il va bien pouvoir lui dire ? Il n'en a aucune idée. Bon, ça ne rime à rien de rester planté comme ça sur le palier... Il tourne la clef et ouvre la porte.
À l'intérieur, il ne voit personne. Il se demande où est passée Kayla, mais ne s'inquiète pas outre mesure. Elle est peut-être déjà couchée.
Après avoir fait quelques pas, il entend la porte se refermer derrière lui : non, elle ne s'était pas couchée, elle attendait juste pour savoir qui était là sans se faire voir.
En se retournant, il ne sait toujours pas quoi lui dire. Puis il la voit se déplacer un peu, en hésitant beaucoup plus sur la patte gauche que sur l'autre.
- Ça va mieux ta patte ?
Kayla est presque surprise de la question, n'étant toujours pas habituée à ce qu'on fasse attention à elle de cette façon.
- Je suppose que ça va aller.
Bien sûr, la réponse est loin de calmer les inquiétudes du kangourou.
- Tu est sûre que tu ne te l'es pas cassée ?
- Mais oui. Je ne vais pas plus mal que depuis la dernière fois que tu me l'as demandé.
Ryan baisse un peu les oreilles, gêné.
En effet, durant leur retour, il a insisté plusieurs fois pour savoir si ça n'empirait pas. Encore maintenant, il n'arrive pas à se retirer cette idée de la tête.
- Désolé. Mais tu sais, il faut reposer ta patte, il ne faut pas prendre de risques...
Presqu'en soupirant, elle lui répond :
- Bon, bon... Je vais aller me reposer.
Elle ne l'aurait pas fait d'elle même, mais sa suggestion partait d'un bon sentiment et, comme ça, peut-être qu'il la laissera un peu plus tranquille...
Apparemment un peu soulagé, Ryan redresse ses oreilles.
- D'accord.
Il la précède, pour aller devant la porte de la chambre et la lui ouvrir. À ça, Kayla secoue la tête de dépit. Ça ne l'empêche pas d'entrer et de s'asseoir sur le lit, mais elle se dit qu'il est temps de faire quelque chose. Elle lève sa patte arrière et la maintient avec celle de devant, avant d'appeler Ryan.
- Là ! Tu vois ? C'est loin d'être aussi dramatique que tu ne le penses !
Le voyant encore une fois baisser ses oreilles, dont l'intérieur paraît un peu rouge comme s'il était gêné, elle insiste :
- Aller ! Viens voir !
Il relève la tête et s'avance doucement. Cette fois, on ne peut plus manquer de remarquer sa gêne : ses oreilles sont écarlates sous sa fourrure !
Comme elle trouve qu'il met trop de temps, elle prend ses pattes dans les siennes et lui fait sentir le contour de sa blessure.
- Alors ? Qu'en penses-tu ?
Ryan, incapable de réagir, laisse la chauve-souris guider ses pattes. Ayant un peu perdu le fil de la conversation, il répond :
- C'est... c'est doux.
Pour la première fois, Kayla remarque que le pantalon du kangourou est tendu.
Alors il s'intéresse à elle ? Mais comment ça se fait ? Elle n'aurait jamais pensé que quelqu'un en dehors de son espèce puisse l'accepter, elle qui est uniquement considérée comme un vampire, un monstre !
En plus, elle l'aime bien et il est plutôt mignon. Même si peu de temps encore auparavant ça n'avait pas la même signification pour elle, elle se dit que, décidément, il est attirant...
Pas du tout perturbée pour autant, elle attrape à nouveau les pattes du kangourou et les fait remonter doucement le long de son mollet. Puisqu'il a l'air intéressé, voyons voir jusqu'où il ira ! Elle le trouve mignon et ce sera peut-être la seule occasion qu'elle aura jamais, alors pourquoi s'en priver ?
Ryan ose à peine y croire. Il relève doucement les yeux, jusqu'à croiser ceux de Kayla. Quand il voit qu'elle n'a pas l'air mal à l'aise et que, bien au contraire, elle sourit, il est transporté de joie. Il ose enfin avancer sa patte de lui-même, et continue jusqu'à aller en dessous de son genou, caressant la chauve-souris le plus délicatement qu'il peut pour éviter de réveiller la douleur de sa patte.
Kayla, elle, se détend un peu et le laisse faire, sa patte toujours sur celle du kangourou. Pour la première fois, elle se sent désirée. En voyant le sourire qu'affiche Ryan, simplement parce qu'il est heureux, elle est contente elle-même.
Bien sûr, son propre désir fait vite surface sous les caresses du kangourou. L'un en face de l'autre, presque visage contre visage, elle s'avance et vient embrasser Ryan rapidement. Un peu pris par surprise, il arrête sa patte là où elle est, avant de se ressaisir et de retourner le baiser.
Cette fois-ci, c'est un baiser beaucoup plus long. Kayla vient mettre sa patte libre à l'arrière de la tête de Ryan pour le serrer contre elle, son coude dans son dos, alors que le kangourou se laisse faire et est juste heureux d'être là.
Après un moment, quand ils sont bien obligés de se séparer pour reprendre leur respiration, ils ouvrent les yeux à nouveau et se regardent, souriants. Aucun mot n'est nécessaire, ils se sentent bien tous les deux ensemble.