Greenwood - Leo Investigation FR

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#2 of Vignettes FR

Greenwood EP2 - Une première affaire se profile pour notre jeune stagiaire

Vignette d'entraînement


« Ikita ! »

Il n'était pas encore l'heure du déjeuner que ce lion pompeux ne pouvait s'empêcher de hurler mon nom de l'autre bout de l'agence. Je déposais ma pile de dossier sur la table et courus jusqu'à son bureau, esquivant d'une patte agile le désordre de notre rangement annuel, non sans faire voler quelques papiers au passage de ma trop encombrante queue.

« Qui y a-t-il, patron ? fis-je en ouvrant la porte de bureau en trombe.

-- Je ne retrouve plus le dossier du maire Gontran ? »

Je voyais Leo, la crinière décoiffée par une nuit blanche à, sans nul doute, ne pas faire grand-chose, retourner toute la pièce d'un air particulièrement agité, ce qui n'était pas son habitude.

« Lequel ? demandai-je circonspect. Il y a toujours au moins un dossier par semaine qui le concerne.

-- L'affaire des faux bijoux, répondit-il sans prendre la peine de me regarder.

-- L'enquête demandé par sa deuxième ou quatrième femme ?

-- La deuxième, soupira-t-il en marquant une pause exaspérée avant de se baisser pour reprendre sa fouille dans un tiroir de son classeur. »

Je ne comprenais pas son urgence. Ce dossier était tout aussi insignifiant que tous les autres venant de l'Hôtel de Ville et de la trop nombreuse famille de Monsieur le Maire. Même le Syndicat des Lapins Gris comptait moins de membres que son entourage proche. Nous disposions d'un carton dédié à ces dossiers qui étaient détruits chaque année avec la déchiqueteuse.

Je refermai la porte, donnant l'air d'être un bon stagiaire faisant des pieds et des mains pour son patron célèbre, mais je décidai de juste l'ignorer et retourner à la lourde tâche de trier et ranger tout ce merdier.

Après quelques heures à trimer pour finalement y voir plus clair, le chef sortit rejoindre Rudolf, son dévoué assistant, pour une enquête aussi inutile que ce dernier. Je pris un temps pour me relaxer sur son fauteuil près de la fenêtre donnant sur le Quartier des Charognards. Avec un peu de chance, je verrais une meute d'hyènes s'entredéchirer pour un paquet de poulet pané crevé. C'était toujours quelque chose de fascinant et de relaxant.

À peine eus-je le temps d'étendre la queue et les pattes que la sonnette du bureau vrilla le peu d'ouïe qu'il me restait après qu'elle avait été malmenée toute la matinée. Ronchonnant quelque peu, je réajustai ma chemise et traînai les griffes jusqu'à la porte d'entrée. J'ouvris la porte.

« Bonjour ? » fit l'invité, hésitant.

Un jeune guépard d'à peu près mon âge se trouvait face à moi. Sa chevelure d'or tombait élégamment sur son front, couvrant partiellement ses magnifiques yeux de jade. Sa tenue adolescente rouge et noire, un brin rebelle, et son sac en bandoulière duquel dépassaient des polycopiés de cours ne laissaient que peu de doute sur son activité étudiante. J'étais subjugué et intrigué.

« O-oui, entrez » finis-je par répondre.

Le jeune homme se mut avec grâce et s'approcha du bureau que je lui indiquai.

« Êtes-vous Monsieur Leo Verpatte ? me demanda-t-il naïvement.

-- Non, Leo est en pleine investigation, répondis-je sans y croire moi-même. Je suis son... assistant, Miyori Ikita.

-- J'ignorais qu'il en avait un, souffla-t-il l'air las, mais je suppose que vous ferez sûrement l'affaire.

-- Qu'est-ce que Leo Investigation peut faire pour vous ? Monsieur ? questionnai-je en lui faisant signe de s'asseoir.

-- Tobias Farrock. »

Il s'assit confortablement et croisa les jambes, agité et impatient. Je devinais aisément sa pratique de l'athlétisme aux muscles puissants de ses jambes nus. Je notais qu'il tenait un papier dans sa main droite, dont le froissement dû à sa nervosité traduisait l'importance.

« Je vous écoute, le lançai-je d'une voix douce.

-- Mon meilleur ami a disparu. Il n'est pas venu au campus depuis plusieurs jours et j'ai trouvé hier soir son appartement ouvert et sans dessus dessous. » Je sentais son inquiétude et son désarroi dans sa voix, il était clair que c'était plus qu'un ami. « Je pense qu'il a été enlevé.

-- Avait-il des ennemis ou des problèmes particuliers ? suggérai-je à tout hasard.

-- Non, pas que je sache, répondit-il nerveusement.

-- Ma truffe me dit que ce papier est important, » le pointai-je d'une griffe.

Hésitant, il ouvrit sa patte et présenta une feuille blanche à peine plus grande qu'un post-it. Je la pris pour l'examiner. Extrêmement simple, elle ne montrait aucune inscription. Seul un dessin se présentait sur un fond usé que je reconnus sans grande difficulté : une tête sanglier stylisé noire orientée de profil avec un cache il.

« Ton ami a énervé les mauvaises personnes on dirait, remarquai-je en perdant ma retenue professionnelle.

-- Je le soupçonne de traîner dans des cercles assez louches. L'université coûte cher et il se plaignait souvent de manquer d'argent, jusqu'à ce qu'il achète un téléphone dernier cri, il y a quelques semaines et paie des tournées tous les samedis.

-- Les Borgnes Porcins ne sont que des larbins, mais de qualité. Ils ne sont engagés que par les gens de la haute. »

Je réfléchis un instant en me caressant les vibrisses. Il n'y avait que peu de groupes qui pouvaient se payer les services de gang de gros bras. Je ne savais pas ce que faisait son ami, mais il a manifestement traité avec le mauvais partenaire. Leo n'accepterait jamais cette affaire : elle était trop dangereuse pour son business.

« Allez-vous enquêter ? » me demanda-t-il d'une voix suppliante.

Je comprenais Leo en cet instant, lorsqu'une belle et classieuse dame usait de leur charme pour le faire céder. Ce guépard était plutôt attirant et son désarroi était perceptible. Je ne pouvais accepter que son dossier rejoignît la pile de ceux du maire, totem de flemmardise et corruption. Je repensais à l'étoile filante de la veille et au fait que Leo refuserait d'agir si je lui envoyais ce client.

« Très bien, soupirai-je, on s'en occupe. »

Le visage de Farrock s'illumina, alors que je lui demandais plus de précision. Leo serait furieux s'il l'apprenait, surtout quand il viendrait à savoir que je comptais lui faire un rabais.

C'était enfin ma chance et j'avais bien l'intention de faire bouffer sa crinière à cette potiche prétentieuse.